Prématurité : quand tout ne tient qu’à un fil.

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Avoir un bébé prématuré c’est un peu comme jouer à la loterie sans avoir pris de ticket. Une situation imposée, à quitte ou double. Soit la prématurité est fatale, soit le bébé s’en sort. Et là encore, soit il a des séquelles, soit pas. Un jeu de hasard, vraiment pas drôle. Un tour du sort que Tiphène nous raconte aujourd’hui…

Cela arrive à une femme sur mille et je suis cette femme.

Pourquoi ? Je ne sais pas et je ne le saurai jamais… Déjà l’heureuse maman d’une petite fille de 3 ans, je suis enceinte. Après plusieurs frayeurs et allers retours aux urgences à cause d’hémorragies, j’ai du mal à m’attacher à ce bébé. À chaque fois, je crois que je le perds. Mais non, il s’accroche, malgré un décollement prématuré des membranes. “Prématuré”, ce mot va représenter beaucoup. 23 décembre, alors que je regarde mon conjoint faire des sablés pour le Père Noël avec ma fille, nouvelle hémorragie. C’est reparti pour les urgences, “ne t’inquiète pas ma chérie, Maman revient. Je t’aime”. Sauf que cette fois-ci, je ne reviendrai pas tout de suite. Le lendemain,  la gynécologue pose sa main sur mon bras et m’annonce que la poche des eaux est fissurée. Je suis à 23SA+3. “Ça” peut tenir et le plus longtemps sera le mieux. Le travail peut se mettre en route n’importe quand et avec le risque d’infection, on ne l’arrêtera pas. Si bébé vient à naître dans les jours qui viennent, ce sera de l’accompagnement.

Autrement dit, on le laissera mourir.

Enfin, LA. C’est une fille.Les jours qui suivent ne se ressemblent pas : transfert en service de “grossesse à haut risque”, rupture franche de la poche des eaux mais ça tient… L’épée de Damoclès va tomber mais je ne sais ni quand, ni quels dégâts elle va causer. Je suis séparée de ma “grande” et ça m’arrache le cœur. 54 jours plus tard, l’épée tombe. Césarienne d’urgence, bébé va “bien” puis rien ne va plus. Son état est critique. Elle va mourir. Les médecins nous disent que les machines sont à fond, c’est à Juliette de décider si elle se bat ou non. Coup de massue. J’ai été emprisonnée tout ce temps, ce n’est pas possible que ça se termine ainsi. On a trop sacrifié pour que la vie nous prenne notre bébé. Mais elle s’est battue, et nous aussi.

Aujourd’hui, Juliette a 1 an.

Son parcours a parfois été compliqué mais aucune séquelle n’a été détectée. Elle a eu un suivi poussé ces quelques mois mais les rendez-vous s’espacent. Elle va très bien. C’est un rayon de soleil mais la vie nous a abîmés, tous les 4. On reprend tout doucement confiance. Nos vies ont été bouleversées. La prématurité m’a laissé des séquelles. À moi. Un sentiment de culpabilité permanent, surtout à la naissance de Juliette, et des 2 mois d’hospitalisation qui ont suivis. Je devais toujours quitter une de mes filles pour être présente pour l’autre. Et depuis j’ai du mal à planifier quoi que ce soit, parce que qui sait où est-ce qu’on en sera dans 1 semaine, 1 mois, 1 an ?

Je traîne encore cette épée au dessus de ma tête.

Le moindre éternuement, le petit nez de Juliette qui coule et la prématurité me revient en pleine face parce qu’elle est plus fragile. En 5 mois, on a fait face à 6 bronchiolites, des otites, une infection pulmonaire. Encore des allers retours aux urgences avec cette peur bleue de ne pas ressortir… Une vie sociale sacrifiée, surtout cet hiver, car je suis encore plus paniquée que Jon Snow quand winter is coming ! Avec les virus et les bactéries qui viennent avec ; des éventuelles séquelles à surveiller. Bien qu’aucun retard ne soit diagnostiqué, Juliette est surveillée, attendue. Doucement mais sûrement, les blessures vont être pansées, le temps agit. Mais pour le moment, j’ai l’impression d’avoir pris à perpétuité.

À prématurité…

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