Quand le papa devient l’ennemi : O. nous raconte.

By Posted on

Nous reprenons notre série de témoignages, avec l’histoire de Maman O. Elle souhaite rester anonyme et préserve également l’anonymat de sa fille dans le récit qui va suivre. Le sujet abordé est vraiment très lourd. Tabou aussi. Mais il est essentiel que les langues se délient, pour que le crime commis soit plus facilement dénoncé. Un mal nécessaire, pour le bien de tous. Car quand le papa devient l’ennemi, le monde s’écroule.

J’ai quitté le père de ma fille dans la nuit du 11 au 12 juin 2018.

Je me suis enfuie avec ma fille après qu’il l’ait eu violemment frappée devant moi. Nous sommes reparties chez mes parents à 200 kilomètres de lui. Ma fille avait 3 ans.
Deux semaines plus tard, ma fille me demande de lui raconter pourquoi nous avons quitté notre maison en laissant son papa sur place, ce que je fais sous forme d’histoire.

Le lendemain, lors du repas du soir, elle souhaite elle-même me raconter une histoire :

« Il était une fois, une petite fille qui s’appelle L. qui vivait dans une grande maison avec son papa et sa maman. Un jour, le papa se fâche contre L. et lui met une claque derrière la tête. La tête de la petite fille tape contre la table et L. tombe par terre. La maman crie après le papa très fort. Elle prend L. dans les bras, lui met de l’arnica à son front et va dans le canapé. Après la maman va aux toilettes et L. va faire un bisou à la kikinette du papa… »

J’ai cru m’étouffer.

Après avoir réussi à reprendre mes esprits rapidement, j’ai questionné ma fille sur ce fameux bisou, sur la récurrence de cet acte… L. m’a tout confirmé. Selon ses dires, son papa a abusé d’elle à plusieurs reprises.
Ne sachant vers qui me tourner, j’en ai d’abord parlé à ma maman, puis à mon père. Ma mère m’a conseillé d’aller à la gendarmerie, ce que je fis dès le lendemain.
A la gendarmerie, il me fut conseillé de me rapprocher de la Cellule d’Aide Départementale pour les Enfants en Danger. Je m’y suis rendue avec ma fille. Une information préoccupante a été transmise au parquet et une procédure ouverte à l’encontre de mon ex-compagnon.

Début juillet, L. a été entendu en audition « mélanie ». Cette audition a confirmé les dires de ma fille. Les professionnels qui ont entendu ma fille me disent clairement qu’une enfant aussi jeune ne peut pas mentir sur ce genre de fait.

Mon monde s’écroule.

Je prends conscience que l’homme avec qui j’ai vécu pendant 8 ans, l’homme avec qui j’ai eu un enfant, l’homme à qui j’ai tout donné, est un pédophile. Alors je sombre. Je deviens un robot, je fais tout ce qu’il faut pour mon soleil, pour ma fille, ma princesse. Elle devient le seul but de ma vie. La voir grandir, s’épanouir, retrouver son sourire, son innocence d’enfant est ma seule force pour avancer.

Aujourd’hui, ma fille va bien.

Elle voit son papa une fois par mois pendant deux heures car le juge l’exige. Elle a 5 ans, elle chante, grandit et est joyeuse.
De mon côté, je continue d’avancer. J’ai repris mes études, j’ai de nouveau quelqu’un dans ma vie. Mais j’ai perdu toute confiance en moi et en l’être humain. J’ai des moments d’angoisse incontrôlables puis je m’apaise. Je passe par des stades de colère, de peine, de résignation. Je vis avec de la culpabilité et de la tristesse. Seuls ma fille et mon ami sont des rayons de soleil dans ma vie.

Je me sens perdue mais j’espère réussir à retrouver ma route bientôt.”

Share this article

What do you think?

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

2 Comments
  • Celine
    avril 14, 2020

    La discussion avec son enfant est essentiel. Bravo à cette maman d’avoir écouté sa petite fille. D’avoir réagi si vite. D’avoir fait le maximum pour la protéger.

  • Sylvie Ritella
    avril 14, 2020

    Bravo pour votre courage ! Bonne continuation !